Qu'est ce que l'ammoniac ?
Il est obtenu à partir de l'air que nous respirons. Cet air contient 77% d'azote. Pour l'obtenir, nous aspirons l'air à l'aide de puissantes turbines, ensuite il est propulsé dans des tubulures chauffées et étanches. Nous obtenons une molécule d'azote pour trois molécules d'hydrogène.
Historique des traitements à l’ammoniac et autres bases alcalis
A la fin du 19ème siècle, les pays scandinaves cherchaient à améliorer la digestibilité de la paille pour permettre un accroissement de la productivité des animaux. Cette dernière était un élément essentiel du système fourrager du fait que la durée d’exploitation de l’herbe était très courte (très peu de soleil au printemps et en automne sur les hautes latitudes).
Les premiers résultats satisfaisants ont été obtenus par BECKMANM à la fin du 19ème siècle lorsqu’il a réussi à traiter de la paille en la trempant dans une solution de soude à 2 pour 100 puis en la lavant abondamment et en la laissant sécher à l’air libre.
Les traitements à la soude ont été largement utilisés dans la pratique pendant les années 70, particulièrement par les pays scandinaves mais aussi en Tunisie.
Les résultats intéressants obtenus avec la soude dans l’amélioration de la valeur alimentaire des pailles ont incité beaucoup de chercheurs à étudier d’autres produits. Les premiers travaux sur l’ammoniac remontent aux années 1930 en Allemagne (KRONBERGER, 1933). C’est en 1974-1975 que la technique des traitements en tas à température ambiante par injection d’ammoniac anhydre a été lancée chez les éleveurs en Norvège.
Devant leur prix et leur caractère toutefois dangereux, les traitements à la soude ont presque tous été abandonnés au profit du traitement à l’ammoniac surtout depuis que Sundstol, Coxwoth et Mowat ont proposé en 1978 un dispositif simple permettant à l’exploitant d’injecter lui-même de l’ammoniac anhydre dans une masse de paille.
Le traitement de la paille est l’utilisation aujourd’hui la plus courante de l’ammoniac anhydre dans l’alimentation animale à travers le monde.
L’ensemble de ces études a permis de montrer l’effet destructeur de l’ammoniac sur les liaisons lignines- hémicelluloses.
Effet de l’ammoniac sur la structure du grain
Les connaissances actuelles sur les modifications biochimiques au cours d’une attaque alcaline des parois cellulaires montrent que l’ammoniac attaque les parois indigestibles ou faiblement digestibles de différentes manières.
D’une part, l’ammoniac provoque l’hydrolyse de liaisons covalentes entre la lignine et l’hémicellulose (BACON, CHESSON, GORDON, 1981). Le traitement alcalin réduit donc l’obstacle de la lignine qui limite l’hydrolyse enzymatique des cellulases et xylanases : enzymes microbiennes (JOSSELEAU, 1980). L’hydrolyse par l’ammoniac se fait plus précisément entre les molécules d’arabinose et les molécules d’acide férulique reliées par une liaison alcali faible. (CHESSON, 1986).
D’autre part, l’ammoniac provoque une hydrolyse sur les molécules d’hémicellulose qui provoque la rupture des liaisons Ca entre radicaux d’acides glucoroniques (TARKOW et FEIST, 1969) et la libération de radicaux acétyles (STOSTRUM et al., 1965).
La rupture des liaisons favorise le gonflement des parois végétales donc leur pénétration par l’eau et les enzymes bactériennes. La libération des radicaux acétyles permet d’améliorer l’accessibilité du substrat aux enzymes bactériennes (comtat et BARNOUD, 1976).
Dans le cas du maïs grain, on recherche surtout à détruire le péricarpe du grain (partie la plus fibreuse) protégeant partiellement le grain des différentes attaques. Ce tégument est constitué à 87 % de fibres brutes composées principalement d’hémicellulose (67 %) de cellulose (23 %) et de lignine (10 %) (BRUGE et DUENSING, 1989).
Concrètement, on observe un maïs collant, caramélisé, tout mou et avec une odeur piquante caractéristique de l’ammoniac.
En plus d’avoir un effet sur la structure du grain, l’ammoniac va avoir un rôle important dans le fonctionnement du rumen.
Fonctionnement du rumen et intérêt de l’apport d’ammoniac
Fonctionnement du rumen (INRA, 1988)
La digestion dans le rumen dépend de l’activité des microorganismes et notamment celle des bactéries dont les trois quarts sont fixées sur les particules alimentaires.
Cette population bactérienne est composée de différentes familles de bactéries dont les bactéries cellulolytiques. Celles-ci jouent un rôle irremplaçable en attaquant les parois cellulaires intactes. Elles ont des besoins nutritionnels très précis en ammoniac, en chaînes carbonées, en phosphore, en soufre, en oligo-éléments. Ainsi, pour la synthèse de leurs protéines, elles utilisent préférentiellement l’ammoniac et ont besoin de certains acides gras volatils, isobutyrique, isovalérianique, méthylbutyrique. Les bactéries cellulolytiques ne sont pas équipées pour obtenir ces produits à partir de la dégradation des constituants azotés, elles sont donc tributaires des microbes qui la réalisent. Réciproquement, elles n’utilisent pas les sucres simples qu’elles tirent de l’hydrolyse de la cellulose et des hémicelluloses et qui sont donc fermentés par d’autres bactéries.
Cela montre la complémentarité qu’il existe entre les différentes familles de bactéries du rumen.
Effet de l’ammoniac sur le fonctionnement du rumen
L’apport d’ammoniac par le biais du maïs grain a des effets importants sur le fonctionnement du rumen.
Tout d’abord, l’apport d’ammoniac exogène va permettre de bien nourrir les bactéries cellulolytiques et va diminuer leur dépendance vis-à-vis d’autres bactéries. Ceci va avoir pour conséquence une augmentation de la synthèse des protéines microbiennes.
Il faudra tout de même veiller à apporter des glucides fermentescibles contenus essentiellement dans la mélasse, le blé ou l’orge. Ceux-ci vont permettre un apport d’ATP et de squelettes carbonés nécessaire à l’anabolisme microbien. Cette synthèse microbienne sera étroitement liée à la présence de certains minéraux, en particulier le soufre et le phosphore (DURAND et al., 1987).
Ensuite, le fait que nos bactéries soient bien nourries en ammoniac va leur permettre de travailler d’avantage et donc l’ingestion par l’animal n’en sera que plus forte (LENG, 1990).
De plus, l’ammoniac a un pH élevé (pH=9), on peut donc penser que l’aliment traité à l’ammoniac aura un effet tampon sur le pH du rumen.
Comme il a été dit auparavant, l’ammoniac a pour effet sur la structure biochimique du grain, une rupture des molécules d’hémicellulose, permettant une pénétration plus facile par les électrolytes et les enzymes extracellulaires (cellulase, hémicellulase) localisés au niveau de l’enveloppe glycoprotéique (glycocalyx) de la cellule bactérienne (bactérie cellulotyque) (DEMARQUILLY C., 1987).
Cependant, l’apport d’ammoniac doit être limité. En cas d’excès léger, l’ammoniac est recyclé sous forme d’urée par la salive, l’urine et le lait.
Lorsque l’on a un excès très important de manière spontanée en ammoniac. Le pH du rumen augmente et devient supérieur à 7. La teneur en ammoniac atteint 500 mg/litre de jus de rumen (WOLTER, R, 1992). L’ammoniac en excès qui traverse la paroi du rumen de manière abondante n’est pas totalement transformé en urée par le foie qui est alors saturé. L’ammoniac étant réparti de manière homogène sur l’ensemble du produit traité, sa consommation en pure est impossible. L’alcalose aiguë est donc très rare dans le cas de l’utilisation de maïs grain humide conservé à l’ammoniac.
Effet de l’ammoniac sur la valeur du maïs grain
L’ammoniac est par nature très riche en azote (82.5 % d’N). Sa valeur alimentaire est composée uniquement d’azote fermentescible dans le rumen et donc de PDIMN. Sa valeur en acide étant nulle, l’apport d’ammoniac est donc uniquement faite de PDIN.
La fixation de l’ammoniac sur le grain de maïs et plus particulièrement sur les sucres solubles et l’eau (l’ammoniac est hydrophile) va entraîner une amélioration de la valeur PDIN du maïs grain traité. En effet, comme on peut le voir sur le tableau n°1 ci-dessous, la valeur PDIN est améliorée de 65 % par le traitement. La valeur PDIE est améliorée d’un peu plus de 8 %.